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Un élève sourd décroche le BAC au Centre des sourds de Porto-Novo

Le 17/10/2009 Infos & Nouvelles

Narcisse YEVI est un sourd âgé de 19 ans au Collège des sourds et Entendants du Bénin à Porto-Novo. Il vient de réussir brillamment à l’examen du baccalauréat série D, session de juin 2009. Il devient ainsi le premier élève sourd ayant obtenu son bac dans ce Centre. Soulignons qu’il devient de ce fait, le premier sourd béninois qui a passé tout le cycle scolaire dans une école des sourds au Bénin et a décroché au Bénin ce diplôme donnant accès à l’université. Très ému, il a bien accepté de se confier à votre SOURNAL.

Présente-toi et donne-nous les sentiments qui t’animent depuis qu’on t’a annoncé ta réussite au baccalauréat.

Je m’appelle Narcisse YEVI. Je suis né à Cotonou et plus précisément dans le quartier HINDE 1. J’ai 19 ans. Je suis très content d’avoir décroché mon bac. Je manque de mots pour exprimer ma joie car c’est mon plus grand souhait et mon plus grand espoir depuis que j’ai commencé les études secondaires dans ce Centre. Ma réussite m’a prouvé qu’un sourd peut vraiment tout faire sauf entendre.

Parle-nous un peu de ton cursus scolaire.

J’ai commencé l’école des sourds de Sènandé à Akpakpa parce que je suis sourd. A six ans, mes parents m’ont inscrit à la Maternelle. Mais comme je réalisais beaucoup d’exploits, je n’ai pas terminé l’année scolaire avant d’être envoyé en classe de CI (Cours d’Initiation). Après mon Certificat d’Etudes Primaires (CEP), j’ai poursuivi mes études secondaires à Porto-Novo au Collège des sourds et Entendants du Bénin où j’ai eu le Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) en 2006 et le bac en 2009. Mais dois vous avouer que si j’ai pu évoluer facilement au collège, c’est surtout dû au système d’intégration appliqué qui est vraiment favorable aux élèves sourds mais aussi aux entendants.

En quoi ce système est-il favorable aux sourds ?

De la classe de 6ème en Terminale, j’ai évolué dans des classes où sourds et entendants se côtoient, occupent les mêmes tables, reçoivent les mêmes cours des mêmes professeurs, font les mêmes interrogations et subissent les mêmes devoirs. Dans ces conditions, les professeurs sont obligés d’aller tout doucement, de faire usage de toutes les stratégies possibles pour qu’élèves sourds et entendants soient au même niveau de formation. C’est souvent de très bonne guerre car les sourds ne veulent pas se laisser dépasser par les entendants, de même, les entendants n’acceptent jamais que les sourds les dépassent. Lorsque nous autres sourds ne comprenons pas un cours ou un exercice de maths, de physique, de chimie, de science de vie et de la terre, nous faisons appel aux entendants que nous jugeons capables. Ils nous les expliquent à travers la langue des signes. De même si un entendant ne comprend pas un cours ou un exercice, il vient vers le sourd capable de l’aider. C’est dans cette ambiance de convivialité que j’ai évolué jusqu’à obtenir mon bac cette année.

Quels sont les rangs que tu as souvent occupés en classe?

De la sixième en terminale, malgré la présence d’élèves entendants très studieux dans mes classes, j’ai toujours été premier en fin d’année scolaire sauf dans les classes de cinquième et de seconde où j’ai été deuxième parce que dans ces deux classes, il y a eu des redoublants qui ne se sont pas laissés faire.

Nos lecteurs veulent te connaître à fond. Parle-nous un peu de ta famille.

Ma famille vient d’Adja. Mon père est né à DOGBO et ma mère au Togo.

Quelles sont tes ambitions ?

J’aimerais devenir un homme de haut rang, un homme dont le nom parcourra les cinq continents et qui pourra un jour prouver qu’un sourd peut tout faire sauf entendre. Tout ceci en travaillant avec les sourds dans le but d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. J’ai toujours aimé être un expert comptable.

As-tu des conseils à prodiguer aux autres sourds encore sur les bancs ?

Je leur conseille de prendre leur travail au sérieux et de ne pas tout attendre des entendants. Ils doivent compter d’abord sur leurs efforts personnels au lieu de vouloir que les entendants fassent tout à leur place. Ils doivent, tout en travaillant, garder l’espoir et savoir que, être sourd n’est pas une fatalité.


La rédaction du Sournal