ASUNOES Bénin

Un ZEMIDJAN refuse de prendre l’argent d’une sourde de peur de devenir sourd

Le 17/10/2009 Infos & Nouvelles

En Afrique en général et au Bénin en particulier, des personnes mal informées sur les sourds et la surdité pensent qu’on peut devenir sourd en mangeant avec un sourd ou devenir handicapé auditif en collaborant un sourd. Quelle ignorance ! Quelle bêtise ! C’est le cas d’un conducteur de taxi moto communément appelé ZEMIDJAN qui a frôlé le ridicule, heureusement que le ridicule ne tue pas, en pensant qu’il aura suffi de remorquer une sourde sur sa moto et prendre son argent en main pour devenir sourd. Ce fait divers nous est raconté par la victime elle-même. Elle a voulu partager avec nos lecteurs l’un des multiples problèmes auxquels les handicapés, notamment les sourds sont quotidiennement confrontés. Son plus grand souhait est que les personnes entendantes changent de comportement et de mentalité surtout vis-à-vis des sourds . Elle est élève sourde en classe de seconde au Collège des sourds et Entendants du Bénin à Porto-Novo.

C’était un lundi matin où j’ai cours à 07 heures. Ainsi D.A. commença-t-elle son récit. Je cherchai d’abord en vain un ZEMIDJAN. Enfin, un premier conducteur de moto taxi m’aperçut et s’approcha de moi. Il me demanda en langue vernaculaire du milieu : « où vas-tu ? » J’ai compris son intention et pour lui répondre, je commençai à lui indiquer l’école en langue des signes. Frappé de stupeur, il me regarda l’air ébahi et sans piper mot, met sa moto en marche et s’enfuit à vive allure. Ce comportement me surprit mais je l’oubliai vite. Quelques minutes plus tard, je fis signe de main à un autre conducteur de ZEMIDJAN qui s’arrête devant moi. Pour ne pas connaître le même désagrément que le premier ZEMIDJAN, j’ai pris un Bic bleu et une feuille. J’écris le nom de l’école et le lui montre. Mais malheur à moi, c’est un monsieur illettré. Il ne sait ni lire ni écrire. Il ne comprend donc rien du papier. Il me le jette au nez et continue son chemin. Le temps passe sans que notre sourde ne trouve de ZEMIDJAN. Enfin un ZEMIDJAN ! Avec l’intervention des passagers, le conducteur accepte que la fille monte sur la moto à condition de ne pas le toucher ni de corps ni de vêtement. Il descend de sa moto et délimite de la main, l’espace que doit occuper la sourde sur la moto. « Si tu dépasses ici, je te fais descendre » lança-t-il à la sourde avant de la laisser s’asseoir. Malgré cette précaution pour « éviter d’être contaminé », notre conducteur reste sur le qui vif et va jusqu’à s’asseoir presque sur le réservoir de la moto. Il met la moto en marche et démarre en trombe. On sent de la gêne et de la peur dans sa conduite. En route, il jette de rapides coups d’œil à droite et à gauche pour s’assurer que la sourde ne le touche pas. A l’arrivée, la moto était si élevée que la sourde ne pouvait descendre sans toucher le conducteur. A peine l’a- t-elle touché lorsque celui-ci sursauta comme s’il avait reçu une braise ardente au cou. Il s’enflamme et s’essuie vivement les bras avec ses mains. Sans attendre que la sourde lui paye son argent, il démarra sa moto à vive allure et laissa entendre : « Ne me demande pas de toucher à ta pièce de monnaie. Je t’en fais cadeau. ». Il s’arrête à une bonne distance et fit signe de croix comme pour dire : « Dieu m’a enfin délivré ».

Ce fut un éclat de rire autour de tous ceux qui ont assisté à cette scène.

Tirez vous-même la leçon qui se dégage de ce fait. Mais, sachez simplement que la surdité n’est pas une maladie mais un handicap et toute personne même bien portante, est un handicapé qui s’ignore.

D.A